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la chronique littéraire de Victor Bérenguier
Romans de ma Provence CHRONIQUE LITTERAIRE N° 106:

ROMANS DE MA PROVENCE

     "Romans de  ma Provence", de Françoise BOURDON, regroupe quatre  titres: "Les Chemins de garance", "La Nuit de l'amandier", " Le Vent de l'aube" et  "La Combe aux oliviers".

     Chacun de ces romans est construit sur  un fonds de réalité  historique   qui met en évidence l'importance du devoir de mémoire, -  envers celles et ceux  qui ont péri   dans d'atroces conditions parce qu'ils étaient juifs, arméniens ou parce  que tout simplement ils avaient le courage de   lutter contre la barbarie - . Mais ce qui interpelle, en sus de celles qui sont les principales  héroïnes dans chaque roman: Camille, Anna, Nevart  et Lucrèce, c'est l'importance du rôle joué aussi par les autres femmes qui sont des personnages remarquables par leur comportement et  que l'auteure sait si bien nous dépeindre en les plantant dans ce décor de  Provence qu'elle affectionne tant, au point d'en avoir fait son pays d'adoption. Quatre récits qui sont autant de preuves que  le constat: "l'Histoire est un perpétuel recommencement " n'est, hélas, pas à prendre à la légère!…  Mais, avant d'aller plus avant dans notre propos, laissons place à la préface rédigée par  Françoise Bourdon  qui nous donne un avant goût du plaisir qui attend le lecteur;

 

  « J'habite un pays de lumière et de soleil, la Provence, dont le simple nom a le pouvoir de nous faire rêver. Pas question, cependant de s'arrêter aux images des cartes postales! Il faut s'attarder dans les calades ombragées, pousser les portes, passer de l'autre côté du miroir, pour découvrir certains secrets gardés farouchement à l'ombre du mont Ventoux.

    Le Ventoux… géant tutélaire, point fixe dans un pays qui a connu nombre de mutations au hasard des crises agricoles et industrielles.

    Camille la garancière, Anna l'amandière, Névart l'Arménienne qui renaît grâce à la lavande, Lucrèce passionnée par ses oliviers, se battent pour cette terre, leur terre.

    C'est un pays où l'on salue ses arbres chaque matin, où les jeux de lumière, la vison d'un champ de lavandes ou d'un champ d'oliviers frissonnant  sous le vent, suffisent à nous rendre heureux.

   Cette terre bénie des dieux a été de tout temps un refuge pour les exilés mais aussi un lieu de résistance et de passions.

   Dans le Comtat venaissin, sur le plateau de Sault ou tout autour de Nyons, on s'est battu pour sauvegarder son bien mais aussi, mais surtout, pour défendre son idéal de liberté. Un combat que mène mes héroïnes, des femmes libres, comme je les aime. »

 

   Ce combat où s'entremêlent des tragédies familiales, l'amour, les passions, le devoir, la trahison même; nous sont restitués à la fois avec les mots des personnages de cette fresque historique qui ne laisse pas indifférent car elle est suffisamment convaincante,  avec ses nombreux "témoignages", pour prévenir les générations futures que les drames qui nous sont relatés ne relèvent pas de la pure fiction.

   Autre caractéristique, cette fresque, s'étalant de 1829 jusqu'à 1959, nous fournit tout au long de cette période, un échantillonnage des us et coutumes et de la vie économique dans le Vaucluse , la Drôme et les Basses Alpes.

 

    I-  LES CHEMINS DE GARANCE

  

   Camille, dont la mère, Angeline, est morte quelques jours après sa naissance  et dont le père s'est suicidé, est élevée par son grand-père Augustin Vidal, qui n'a de cesse de la maltraiter. Fort heureusement, Nine la servante va s'occuper d'elle, lui prodiguant l'attention et l'amour comme si c'était sa propre fille, assistée par Etienne Monin, un vieil avocat qui vit sous le toit du maître de la Buissonnière et disposant d'une bibliothèque où Camille se réfugie souvent pour lire « …avec une soif de connaissance impressionnante». C'est lui qui veillera à son éveil intellectuel en lui enseignant « le latin et le grec en insistant sur le fait que les Anciens avaient tout compris.»

   Dès l'âge de quatre ans, sauvée d'une noyade par Marceau, le fils de Nine, Camille avait compris que son aïeul la haïssait quand elle l'avait entendu prononcer à son sujet: « "Mauvaise graine… Camille et lui avaient alors échangé un regard lourd. Il aurait préféré la voir morte, elle l'avait ressenti et, d'une certaine manière, ce jour-là, une partie d'elle-même était morte. Son innocence, son besoin d'être aimée de ce vieil homme au visage sombre.»

   Face à  ce drame qu'elle vivait en permanence,  monsieur Etienne s'efforçait de l'aider à se construire une armure de fer avec des propos tels que: « Dans la vie, petite, on se bat de la naissance à la mort, mais il faut composer avec le "fatum", le destin.»

   

   Forte de ces enseignements et d'une personnalité bien trempée, Camille saura toujours affronter et surmonter les obstacles qui jalonneront le cours de sa vie .

 

     II - LA NUIT DE L'AMANDIER

 

     Ce roman va nous emporter dans le tourbillon des deux  guerres mondiales avec les tragédies qui en ont découlé et le destin d'Anna.

 

      La  mère d'Anna, Allégra, fille d'un charbonnier piémontais, est morte d'une fièvre  puerpérale quelques jours après la naissance de sa fille. Cette dernière  est élevée par son père, Aimé Donat qui ne se remariera jamais et par sa marraine, Brune, la sœur de sa mère venue d'Italie pour aider sa sœur en couches et qui n'est jamais repartie dans son pays d'origine.

      Avec la découverte du  destin d'Anna nous sommes replongés dans l'atmosphère des tragédies classiques du 17ème siècle, mais avec une connotation moderne.

      Ayant hérité  la passion de son père pour les amandiers, Anna trouvera auprès de cet arbre  et de sa culture le moyen de se ressourcer dans les phases critiques de sa vie qui n'a pas été une sinécure, compte tenu que celle-ci fut un mélange de destins croisés. D'abord avec le fils d'un confiseur d'Apt, Martin Bonnafé, son premier amour déçu dont  elle gardera longtemps un souvenir amer, avant de connaître la raison qui a poussé ce dernier à épouser  Mathilde, la fille d'un notaire,  après le décès accidentel de Guy, son frère aîné fiancé à Mathilde. Ensuite avec Armand Jouve, le nougatier dont l'amour qu'il lui prodiguera  apaisera les souffrances de sa première désillusion. De leur union naîtront Rose-Aimée et Georges. Enfants adorés de leurs parents, lesquels ne seront pas payés de retour. Georges, revenu estropié de la grande guerre, aura une triste fin.  Le destin de Rose-Aimée , - rêvant, à pas encore vingt ans, de la vie  de citadine, trompée par un homme de presque quarante ans, un  certain Maurice Genin à fière allure qui lui avait fait tourner la tête, mais l'avait abandonnée dès qu'elle lui avait appris qu'elle était enceinte de lui -,  ne sera pas non plus reluisant et c'est Anna  qui avec Armand élèveront la petite Philipine qui rendra à ses grand-parents l'amour et la reconnaissance dont leur fille les a tant frustrés. Son courage pour ses actes de résistance sous l'occupation allemande durant la deuxième guerre mondiale feront la fierté d'Anna tout en la plongeant dans l'angoisse.

 

    III-  LE VENT DE L'AUBE

 

    Avec Nevart, nous prenons pleinement conscience du calvaire vécu par les arméniens lors du génocide dont ils furent les victimes. Nevart est une âme forte, comme bien d'autres personnages de ce roman: Paul Mailfait le médecin dont la compassion sans limite et la générosité le conduiront à sa perte; Vincent son compagnon d'armes de la grande guerre  et sa sœur Marceline; Erich Schweble, romancier, juif allemand qui a fui l'Allemagne depuis 1933  pour échapper aux persécutions  du nazisme et mener « une résistance  active en France ». Angèle, nymphomane et hystérique, sœur de Vincent et Marceline,  épouse d'André Duteil,  patron d'une usine de soie, forment un couple dont l'auteure croque un portrait saisissant

 

   Les épreuves, après une enfance heureuse, vécue dans son adolescence avec son petit frère Boros, ont trempé le caractère de Nevart, lui permettant d'affronter les vicissitudes de sa vie, comme au camp de Ravensbrück  où elle sera déportée en 1945… Ce passé a laissé néanmoins une trace indélébile  dans sa mémoire:

 

« Si elle fermait les yeux, Nevart apercevait les vergers  couverts de  fleurs d'Amassia. Des champs roses à perte de vue. Elle se revoyait, enfant, disant à son grand-père, dont elle tenait la main bien serrée: « Quand je serai grande, presque aussi grande que toi, je pourrai grimper aux arbres? Grand-père Myran souriait. […] Elle savait bien qu'elle était la préférée de grand-père Myran. Il le lui avait confié une soir, en lui faisant goûter les premières figues. Elle avait connu une enfance heureuse dans la ferme de ses grands-parents paternels. Myran Tchekalian était un lettré, il connaissait l'arménien, bien sûr, mais aussi le turc et le français, qu'il avait enseigné à Nevart.

   La fillette aimait étudier à l'école arménienne. Elle souhaitait devenir institutrice.[…]

   Elle avait près de onze ans quand leur vie avait basculé. […] Elle avait hurlé de terreur quand elle avait vu surgir la horde effrayante, sabre au clair.

   Elle entendait encore l'ordre de grand-père Myran:« Cours, Nevart, et ne revient pas, quoi qu'il arrive! »

   Elle lui avait obéi.[…] Elle avait donc fui, entraînant avec elle Boros, son petit frère. Ils s'étaient cachés dans le cellier, derrière les écuries. Là, Nevart avait entrevu la lame du sabre brandi par un Turc, luisant dans le soleil. Elle avait gémi, se mordant le poing jusqu'au sang. Elle avait eu le réflexe de jeter son tablier sur la tête de Boros afin qu'il n'assiste pas à la scène. Elle avait vu la tête de grand-père Myran rouler sur le sol; un flot de bile lui était monté à la gorge et elle s'était évanouie.

   Les hommes sombres avaient fini par les dénicher, Boros et elle. Ils poussaient des cris sauvages et Nevart, tenant son petit frère serré contre elle, avait pensé qu'ils allaient mourir, eux aussi. A cet instant, elle n'avait pas peur. Elle était encore sous le choc de la terrible image de la tête tranchée de Myran. Elle cherchait désespérément ses parents. Elle avait aperçu les ruines encore fumantes de ce qui avait été l'une des plus belles fermes de la région d'Amassia, entrevu des cadavres entassés. On les avait  alors poussés, comme du bétail, sur la route poussiéreuse, puis regroupés, plusieurs enfants et elle, autour de deux femmes. La plus jeune, âgée d'une trentaine d'années, se lamentait crescendo. Exaspéré, l'un des Turcs l'avait assommée du plat de son sabre. Elle avait basculé en arrière. Nevart, s'étant précipitée, avait voulu la relever.

  « Tu ne peux plus rien pour elle» avait remarqué l'autre femme dans son dos… Elle avait ajouté, d'une voix vibrante: « Tu dois vivre. » […]

    Elle ne pourrait jamais chasser de sa mémoire les images des corps suppliciés, ni celles de ces hommes enterrés vivants, dans une vallée désertique, survolée par des vautours. Une prisonnière qui avait voulu leur donner à boire avait été abattue sur place »

 

    Ces exhortations: « Tu dois vivre!  », « A présent tu vas te battre», gravées dans sa mémoire seront d'un soutien  indéfectible tout au long de sa vie qui aura été un perpétuel combat pour la liberté!

 

   IV - LA COMBE AUX OLIVIERS

 

   Ce n'est certainement pas par hasard si ce roman termine cette grande fresque dédiée à la Provence où nous avons pu tour à tour nous imprégner, d'une part, des tragédies de l'histoire qui ont marqué le pays et ses habitants au cours des deux derniers siècles écoulés et, d'autre part,  être sensibles à la beauté  des paysages rehaussés par la présence des oliviers, de la lavande et des amandiers. Un véritable feu d'artifice dont "La combe aux oliviers" constitue en quelque sorte le bouquet final.

 

   Si l'héroïne, personnage central, est bien Lucrèce, dont « le même amour de l'olivier les unissait plus sûrement que tous les liens du sang » avec son père, Ulysse Valentin, fervent lecteur d'Homère et  maître de "la Combe aux oliviers" dans le  Nyonsais; presque tous les autres personnages constituent les maillons importants de cette  chaîne pour aborder, - avec  les passions, les caractères dépeints, les travers de l'histoire… -, la plupart des  facettes de " la condition humaine" version moderne qui n'est pas sans nous inciter à réfléchir en nous interpellant. Nous n'évoquerons qu'une succincte présentation de ces acteurs qui  la tissent trame de cet opus:

   Marie-Rose, réfugiée ayant fui les Ardennes en 1915 avec sa fille Hermance dans un couffin,  suite à la mort de son époux, tombé sous les balles allemandes, et accueillie chez les Valentin.

  Armide Valentin, la sœur aînée de Lucrèce,  est loin d'avoir les qualités de sa  puinée qu'elle jalouse.

  Le Docteur Etienne Mallauré  qui, assisté des deux sœurs  Valentin soignera les blessés de la guerre de 14-18 et, après avoir épousé Armide  restera dans le pays.

   Adrien Baussant, pilote d'avion, un as de la grande guerre, habitant Dieulefit, le grand amour de Lucrèce.

  Aurélie, fille de Lucrèce et d'Adrien Baussant.  A l'instar de sa mère, malgré un handicap physique  elle jouera sous l'occupation allemande un rôle important et dangereux dans la résistance

  Paul Ginoux, moulinier.  Avec Lucrèce, « tous deux avaient fréquenté le collège Roumanille et s'étaient perdus de vue pendant la guerre. Les oliviers les avaient rapprochés depuis que Lucrèce secondait son père.» Il sera responsable de réseaux dans la résistance.

 L'ami  d'Etienne  Mallauré,  Louis Ferrier, pneumologue,   projetant de construire sur les hauteurs de Nyons, en pleines oliveraies, un établissement médical « pour soigner les malades des bronches comme les insuffisants respiratoires »

   Henri Gauthier,  artiste peintre avec qui, Hermance, suite à un grave différent avec Marie-Rose, s'en ira vivre en Avignon où elle trouvera un emploi dans une librairie, chez  Monsieur Hyacinthe dont la générosité, la compréhension, la bonté, le courage,  n'ont d'égal que son immense culture. Henri Gauthier abandonnera Hermance pour rejoindre de Gaulle à Londres

   Richard Markt, séduisant jeune officier allemand, passionné de musique et de poésie, tombé amoureux fou d'Hermance. De ce fol amour naîtra Eric, ce fils  que Richard, envoyé sur le front de l'Est avant sa naissance n'aura pas la joie de connaître.

   Karl Werner, juif allemand a fui Berlin, à 17 ans, en 1933 en compagnie de sa mère Frida, musicienne, et de sa sœur Elsa, suite à la mort de son père Léo après avoir été  roué de coups par les SA. Il deviendra au fil du temps un homme de guerre, au service de la Liberté et de l'antinazisme. Combattant en 1936  en Espagne avec les brigades internationales contre le franquisme appuyé par l'aviation allemande,  il participera à la bataille de  Téruel qui le traumatisera profondément. Dans la résistance ensuite, en France, contre l'occupant, avant de poursuivre son combat jusqu'en Allemagne avec l'espoir de retrouver sa mère et sa sœur pour enfin retourner en Provence afin d'y rejoindre Aurélie qu'il n'avait pas oubliée.

 

S'il est deux citations qui me paraissent servir de conclusion à cette exceptionnelle chronique compte tenu de sa longueur inhabituelle, ce sont:

   

       « Ignorer le passé, c'est aussi raccourcir l'avenir»  (Julien Green)

 

 « Conscience et révolte sont le contraire du renoncement.»

                                                                    (Albert Camus, L'homme révolté)

 

Victor Bérenguier - Volonne le 12 juillet 2014


BIOGRAPHIE
Bourdon

Françoise Bourdon est née et a toujours vécu dans les Ardennes. Professeur de droit et d'économie, elle décide, après dix-sept ans d'enseignement, de se consacrer exclusivement à sa passion de l'écriture. Elle publie son premier roman, Les Dames du Sud, en 1986, puis elle écrit La Forge au loup en mémoire de son grand-père, engagé volontaire à dix-sept ans, en 1915, qui lui a si souvent parlé de la "Grande Guerre". C'est la première fois qu'elle écrit sur sa région natale, les Ardennes. Le livre rencontre un grand succès auprès des critiques et du public

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

Parmi la bonne trentaine d'ouvrages déjà  à son actif, nous en citons quelques uns:

Les Dames du Sud

La forge au Loup

La cour aux paons

Le Bois de lune

Le Maître ardoisier

Les Tisserands de la licorne

Le Fils maudit

La de Grange de Rochebrune

Retour au pays bleu, nouvelles

Le Maître ardoisier

La  Figuière en héritage

Les bateliers du Rhône

 

Légende photo:  Romans de ma Provence

                           Auteur:  Françoise BOURDON

                           ÉDITIONS: omnibus

                        Format: 130 x 195. 896 pages. Prix: 27 €

 

(Photos repro V.B)

 

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