CHRONIQUE N° 110: L'ÉCHO DE LA NOTE
BLEUE
L'ÉCHO de la note BLEUE est
dédié à la musique, et pour cause; l'auteure, Christine Baron, est
passionnée de musique: dès l'âge de cinq ans, elle a commencé à
"titiller" les touches de son piano. Comme pour tous les prodiges,
cette passion ne l'a pas quittée et ce roman atteste de l'importance qu'elle
accorde aux musiciens qui ont bercé son enfance à l'époque où elle
déchiffrait leurs partitions. Elle a «
grandi avec ceux qui nous ont laissé le chant de leur âme » - non seulement
Franz Liszt pour lequel, Pierre, le
personnage principal du roman semble avoir une préférence, mais aussi tous les autres qu'elle nous fera découvrir
au fil des pages: Chopin, Beethoven, Schubert, Wagner, Toscanini Berlioz,
Paganini… En exergue de chaque chapitre, l'une
de leurs citations est destinée à focaliser notre attention et à susciter notre intérêt comme celle de Berlioz que nous utiliserons dans notre propos.
Avec Pierre,
pianiste puis chef d'orchestre et tous les personnages qui gravitent dans son
sillage, l'auteure nous entraîne, à
défaut de comédie musicale, dans ce
qu'on pourrait appeler une comédie humaine où tous les acteurs vouent à la
musique, - cette musique qui bien plus qu'un langage universel est aussi le
chant de l'âme des musiciens auteurs compositeurs -, la même passion que leur
chef, sauf un: un certain Monsieur Charles, «
un directeur de conservatoire plus soucieux de rentabilité que d'art ».
Mais ce qui tient le lecteur en haleine c'est d'appréhender à travers leur vécu, la personnalité, les émotions et
"les aventures" de chacun de ces personnages:
Padre,
père de Pierre, « mélomane récalcitrant face à la vocation de
son fils, mais pourquoi? » forcera son fils à faire des études de droit,
lui donnant le sentiment d'une enfance violée, tandis que sa sœur, personnalité
plus malléable ne s'opposant pas aux
desiderata de Padre qui a décidé qu'elle serait chirurgien, n'éprouve pas le
même ressentiment; Piétro, le premier violon, surnommé Paganini; Frédéric le soliste; Charlotte et Martin les
jeunes espoirs; Jean- François le "frondeur"; mais aussi, « cette virtuose qui surgit si tard» dans la vie de Pierre, qui est
elle? , et enfin Arielle, cette « femme
avec qui il aimerait partager l'azur de George Sand » et à qui il confiera:
« la musique ne commande rien, n'explique
rien, ne dicte rien. A chacun de faire appel à sa propre émotivité, son
imagination, ses sensations, pour essayer de peindre sa vie avec ses propres couleurs.»
Ce roman « est
aussi l'histoire de l'amour, l'amour qui s'invite quand on ne l'attend
pas et repart de même » .
Cet amour,
Pierre va enfin, à quarante ans, le découvrir à la Havane, au cours d'une
visite dans une manufacture de tabac:
« Une femme s'approcha de moi:
-
Normalement,
cela ne dure pas trop longtemps.
-
Mais j'ai tout
mon temps.
-
Vous n'êtes pas
pressé de partir?
-
Non, j'arrive.
Elle
s'étonna. Habituellement l'achat des
cigares était la dernière étape du périple touristique, juste avant de
reprendre l'avion:
-
Et vous? Vous
partez? Questionnai-je.
-
Non, je suis en
milieu de séjour. Je viens ici chaque année.
-
Seule?
La
question avait échappé à mon contrôle. Ma maladresse me surprit.
-
Au moins, vous
êtes direct.
-
Excusez-moi, ce
n'est pas ce que je voulais vous demander.
-
Mais c'est exactement ce que vous vouliez
savoir. En sortant, nous irons boire un daiquiri au Floridita. Vous connaissez?
-
De réputation.
Je
pris cette invitation pour une réponse à sa solitude […]
À ce moment de la rencontre je me
demandai si je devais accepter»
Mais il accepta l'invitation d'Arielle et ils ne se quittèrent plus
jusqu'à son départ. Elle utilisa la Chevrolet rose des hôtes qui l'hébergeaient
pour lui servir de guide et ils apprirent à se connaître. Mais le destin est
souvent capricieux et se plaît à déjouer vos plans:
«
Comme elle l'avait promis, elle
m'accompagna jusqu'à l'aéroport. En roulant à trente kilomètres /heure elle
avait triplé le temps du trajet. Nous nous taisions, à l'unisson dans notre
silence.
- Elle va me manquer cette Chevrolet rose
dis-je enfin en voyant s'approcher les bâtiments de l'Aérogare.
-
Moi, ce n'est
pas la Chevrolet qui va me manquer.
Elle s'arrêta à quelque mètres de la porte
d'embarquement et ne voulut pas descendre.
-
Arielle, sous
une forme plus maladroite, je vous dis la même chose.
Je prie sa main et la refermai sur le
bristol de l'hôtel. J'avais écrit mon prénom et mon numéro de téléphone à
Paris. Pas le temps de lui dire que j'étais souvent en voyage, ni pourquoi. Je
faisais confiance au destin:
-
Je voudrais…
- Non, surtout ne dites rien
s'empressa-t-elle d'interrompre:
-
Je suis mariée.
L'Etat civil que je n'attendais pas.
[…]
« Laquelle des deux puissances peut-elle
élever l'homme aux plus sublimes hauteurs, l'amour ou la musique? Il me semble
qu'on devrait dire ceci: l'amour ne peut pas
donner une idée de la musique, la musique peut en donner une de l'amour.
Ne les séparons pas, ce sont les deux ailes de l'âme.»
Hector
Berlioz,
Compositeur
[…]
«
- Voilà c'est dit!
Pour Arielle le soulagement, pour moi la
déception et pour les deux l'inquiétude. Le regard brouillé et les mains moites
elle esquissa son décor familial: un mari David, deux enfants, le retour
prochain dans le midi de la France et une plaidoirie qu'elle n'avait pas
préparée.
David aimant, patient, bienveillant. De son
agaçante compréhension naissait une obligation de fidélité. Elle m'expliqua
qu'elle mettait toute sa bonne volonté pour être désagréable… Mais cette
tactique ne faisait pas ses preuves: « David explique, excuse, le sourire
attendri, le geste caressant. Les évidences ne sont pas les mêmes pour celui
qui aime et celui qui n'aime plus.» me confia-t-elle des trémolos dans la voix. »
Dès son retour en France, Pierre va
n'avoir de cesse de retrouver
Arielle et d'espérer pour cela en sa
bonne étoile… qui ne tardera pas à répondre à son désir:
« Paris! Enfin ou hélas?
Pour la première fois, un contrat me retenait dans une même ville pour trois mois.
C'est de cette période qu'est née l'envie de me fixer. Une envie concrétisée
cinq ans plus tard.
J'avais un domicile fixe et je ne pouvais
m'empêcher de penser que nous nous reverrions, elle et moi. Il paraît que le
destin articule bien le hasard, j'avais envie de lui faire confiance. Sans
doute laisserait-elle se reposer la rencontre
mais c'est à elle que revenait le choix de la relancer ou de la laisser
s'enfuir.
En toute inconscience, David bouscula la
fatalité. […]
Le voyage à La Havane d'Arielle en solitaire
était suivi d'une autre tradition.
Chaque année, ils exportaient leur difficulté d'être à deux dans une capitale. […]Cette année-là, David choisit Paris qu'ils
connaissaient mal. Arielle décoda un coup de pouce de l'évidence: elle devait
me téléphoner.
Nous nous retrouvâmes dans un bar près de la
salle de concert où je m'apprêtais à interpréter et diriger le deuxième
concerto pour piano et orchestre de Chopin. […] L'endroit était bruyant, enfumé, inadapté pour l'importance de notre
moment.
-
Pourquoi cette
gargote? Questionnai-je.
- Nous allons au
concert ce soir avec des amis. J'ai prétexté une visite de courtoisie à un
client pour pouvoir m'échapper et vous revoir.
- A quel concert
assistez-vous?
Il existait une autre salle où un quatuor
étranger se produisait mais elle l'ignorait. Elle sourit. Je l'entendis penser
« il n'a pas changé»:
- Où vivez-vous Pierre? Nous sommes dans un
quartier où la principale animation est ce prestigieux auditorium. Il y a en ce
moment des hommes d et des femmes qui se préparent pour nous offrir le meilleur
d'un homme qui n'aurait pas dû mourir si tôt. Je parle de Chopin bien sûr.
-
« Si tout va
bien, me disais-je, elle imagine que je ne connais même pas Chopin»
-
Donnez-moi un
numéro de téléphone où il me sera possible de vous joindre demain, répondis-je
en ignorant sa remarque.
L'heure tournait, je n'avais plus le temps
de m'attarder, les musiciens m'attendaient, je passais toujours un moment avec
eux avant l'entrée en scène. […]
-
Quel est le numéro de votre siège? Lui demandai-je.
- Pourquoi? Vous allez au concert?
- Je connais la salle, je pourrai vous
imaginer, tout simplement.
Elle me montra son billet. Deuxième rang ,
sur la gauche. Elle verrait mes mains et mon profil droit. Elle me tendit une
carte professionnelle et écrivit quelques chiffres. Je feignis d'être
impressionné par le «Maître» inscrit devant son prénom. Elle était avocate. Curieux cette rencontre entre une
avocate réalisée et un avocat « manqué
».
- Vous n'êtes pas sérieux! Dit-elle un peu
tristement. Quel homme êtes-vous? C'était stupide de ma part d'avoir voulu vous
revoir.
Je ma levai plus brusquement que je
l'aurais souhaité:
- Arielle, méfiez-vous de ceux qui ne rient
jamais. Ce ne sont pas des gens sérieux.
- Une formule ?
- Non, une citation et c'est du Chopin.
Je la quittai en lui embrassant la paume de
la main
Elle
était déçue, la rencontre ne ressemblait pas à ce qu'elle avait espéré. Elle
s'était trompée sur mon personnage , son imagination m'avait idéalisé
devait-elle penser à ce moment-là. Elle aurait voulu revivre un peu Cuba, moi
aussi, elle m'aurait souhaité plus chaleureux et j'étais ailleurs. Nous nous
séparâmes poliment.
Dans ma loge, je m'habillai avec soin. Je
dirigeai pour la première fois depuis le clavier. […]
Le premier violon ouvrit ma porte:
- Maître vous
venez?
- S'il vous plaît, pour une fois je
souhaiterais être seul un moment. Pourriez-vous me trouver une rose blanche?
- Une rose blanche? Où voulez-vous que j'aille
la chercher? Nous commençons dans moins
de cinq minutes.
-
J'ai vu une
grande plante à l'arrière scène, il me semblait qu'il y avait du blanc.
-
Oui mais ce sont
des chrysanthèmes, ceux de la pièce d'avant-hier. […] Bon , si je trouve une rose je vous
l'apporte?
-
Non, vous la
déposez sur le cinquième siège au deuxième rang en partant de la gauche.
-
Vous allez bien
Maître?
-
Oui, ne vous
inquiétez pas.[…]
Un murmure rassurant me parvenait depuis la salle, le
public s'installait tranquillement. Arielle et David étaient accompagnés de
deux couples. Lorsqu'elle s'approcha de son siège, elle eut la surprise d'y
voir une fleur blanche.
-
Une attention de
ton client? S'étonna David
-
Quel client?
-
Celui que tu as vu avant le concert.
Elle avait oublié le prétexte de son
rendez-vous
-
Ah oui!
Probablement..
-
Original! En
plus ton dossier doit être assez mal parti.
-
Pourquoi dis-tu
cela?
-
Je ne suis pas
superstitieux mais un chrysanthème quand même!
Arielle connaissait ce ton pincé, signe avant coureur du
soupçon. […]
Ce ne pouvait être que moi, j'étais donc
dans la salle. Elle balaya le parterre du regard puis le balcon en sentant la
vigilante attention de David. Elle avait confiance. J'ai pu déposer une fleur
sur son siège, je saurai donc la retrouver. Mais un chysanthème… Devait-elle
chercher un symbole?
Les musiciens s'installaient. […]
Les applaudissements devancèrent mon
entrée en scène.[…] En applaudissant
mollement, Arielle continuait de fouiller la salle de son regard oblique. Ce
qui agaçait David. Qui cherchait-elle?
-
Le spectacle est
devant toi, tu pourrais t'y intéresser!
Elle s'intéressa au moment où j'entrai en scène. Je
m'avançai vers le public et m'inclinai:
-
Ce n'est pas
possible! Qui est-ce? Demanda-t-elle à un David déconcerté
-
Mais… le chef d'orchestre et ce soir le pianiste
aussi. Arielle tu es dans une salle de concert avec ton mari. […]
Je ne sus jamais qui, du chef d'orchestre
ou du pianiste, la salle ovationna. Figée dans son fauteuil, Arielle
n'applaudissait pas alors que David manifestait un enthousiasme qu'elle aurait
sans doute souhaité plus modéré. Elle attendit l'entracte pour se faufiler dans les coulisses. Elle se heurta au service
de sécurité qui lui refusa l'accès aux loges:
-
Le maestro ne
veut voir personne.
-
Si. Moi !
Son assurance fit vaciller la vigilance d'un agent,
probablement plus perspicace que les autres. Elle entra dans ma loge sans
frapper:
-
Je suis ridicule
n'est-ce pas? […]
-
Merci d'être là,
je vous attendais.
-
J'aurais pu ne
pas venir.
-
Arielle,
approchez-vous et asseyez-vous
[…]
-
Arielle, nous
marchons comme nous pouvons sur les chemins que la vie nous fait prendre. A
chacun son véhicule, le mien est la musique. […]
-
… La musique est
un moyen de communication universel, elle se décline à l'infini, son langage
est juste, elle est le lien entre les autres et soi-même.
Dans son regard je surpris un étonnement
désappointé:
-
Pourquoi me dire
tout cela?
-
Parce que c'est
le pilier de ma vie. Je voulais que vous le sachiez .
-
Je l'avais
compris en vous écoutant. […]
…Elle se leva précipitamment, se plaqua contre moi et me
serra si fort que nous perdîmes l'équilibre. Etait-ce un présage? Est-ce nos vie qui basculaient ainsi?»
Les dés sont
jetés, mais comment cette passion réciproque va-t-elle évoluer au gré du destin
dont la maîtrise leur échappe? "That
is the question! "
Mais ce roman nous réserve bien
d'autres surprises. Christine Baron sait entretenir notre curiosité au sujet des autres
personnages qui focalisent l'attention de ce chef d'orchestre dévoué corps et
âme à l'épanouissement de ses musiciens: Charlotte, Martin, Frédéric, Pietro à
qui il voue une admiration et une amitié sans faille …
Qui plus est, L'ÉCHO de la note BLEUE
nous est apparu comme un
roman qui renferme tous les éléments pour susciter
l'intérêt de réalisateurs, metteurs en scène et producteurs pour être
porté à l'écran..
Victor Bérenguier - Volonne 11 janvier 2015
BIOGRAPHIE
BIOGRAPHIE
Christine Baron a fait des études de lettres
- * 17 ans en Afrique Noire Côte d’ivoire et Sénégal occupant différents postes dans le domaine économique liés aux entreprises françaises installées en Afrique.
- * Collaboration avec le correspondant du Monde à Dakar, et journaliste pour le journal local sénégalais (reportages, interviews….)
- * De retour en France : Activités dans l’événementiel – congrès scientifiques et médicaux - de la région de Nice.
- * Etudes musicales et passion du piano.
BIBLIOGRAPHIE
* LE SOLEIL FOUDROYE - Editions
OVADIA – Collection Au Pays Rêvé - 2012
Témoignage du Professeur
Maurice SCHNEIDER : Président de la Ligue Départementale contre le Cancer :
« Cet ouvrage est
très touchant. Il nous montre que lorsqu’une personne est atteinte, la famille,
les proches sont également atteints.
C’est ce qui fait la
rareté de ce livre. Nous avons l’habitude de lire des témoignages d’anciens
malades. Christine nous fait découvrir la douleur d’un proche. Elle décrit la
souffrance avec une grande sensibilité et avec un remarquable talent
d’écrivain.
Il faut lire ce livre à
la fois plein de tristesse mais aussi d’espoir et qui nous stimule, nous les
soignants, à nous battre pour guérir. »
* DIVISER POUR MIEUX
GROUPER Editions
Ovadia 2013 :
Critique Ratatosk – 19 Novembre
2013 - Libraire
« Ce livre de Christine Baron fut une excellente
surprise mais je dois dire que cette auteur (non je ne mets pas le
"e") m'a depuis le début habitué à cela. J'adore ce qu'elle écrit et
pourtant elle n'opère pas du tout dans mes genres favoris.
Avec "Diviser pour mieux
Grouper", madame Baron
vous plonge au cœur de la reprise d'une structure publique "La Pinta" qui tombe désormais dans
l'escarcelle d'un groupe : "Le
Groupe". Bien entendu, de fait, la logique de fonctionnement
change.
Au travers de son héros,
un des responsables, vous découvrirez alors l'ambiance qui plombe cette
passation de relais. Vous serez confrontez aux tensions qui frappent les
employés. Mais attention, le panier de crabe n'est pas toujours là où on s'attend
à le trouver et ces crustacés prennent bien des apparences. D'ailleurs, ne vous
attendez pas non plus à vous ennuyer car, comme à son habitude, madame Baron
adresse des sujets graves et difficiles avec une légèreté de ton et une
dérision qui vous mène vers le sourire.
Vous vibrerez pour les
employés de "La Pinta"
mais vous sourirez sans doute des incongruités que vous découvrirez au fil des
pages. Bien des situations décrites dans ce roman confinent à l'absurde mais,
comme le dit l'auteur elle-même : "ça
ne s'invente pas". Et oui, ce livre est inspiré de faits réels et
d'une situation qui a bien eu lieu. »
Légende
photos: L’ÉCHO DE LA NOTE BLEUE
Auteur: Christine
BARON
Éditions: Au Pays Rêvé
Format : 205 x 140. 287 pages. Prix:
20 €
Photos repro. V.B.)
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