CHRONIQUE LITTÉRAIRE N° 114:
''
Adieu pays! La langue régionale d'un écrivain de haute Provence,
Pierre Magnan''
Cet
ouvrage de Claude
Martel nous interpelle dès les premiers mots; l'exclamation : "Adieu
pays!" suivie de "c'est foutu, rappé, perdu" éveille
en nous un sentiment
de
nostalgie diffuse, sorte de regret mélancolique qui
nous incite à
nous plonger profondément dans la lecture de ce livre. Et, ô
surprise! Cette locution exclamative en ''lengo
nostre''
qui fait partie des nombreuses expressions que Pierre Magnan utilise
dans l'ensemble de son œuvre m'a rappelé un autre titre, celui de
l'un des livres de Simone Signoret: ''La
nostalgie n'est plus ce qu'elle était'' .Pourquoi
cette réminiscence? Parce que Pierre Magnan, lui aussi est un témoin
d'une époque révolue, celle desa prime enfance et de sa jeunesse, -
de 1925 jusqu’au milieu des années 50 - qu´il raconte dans ses
romans autobiographiques tels ''La Biasse de mon
père'', ''
Apprenti ''ou
encore ''L'amant du poivre d'âne''
où
fleurissent nombre de ces termes du parler ''patois'' cher aux gens
de cette époque, dans le Manosque
d'alors où il a grandi comme l'auteure le souligne: « Dans
l'effort de remémoration qu'il fait pour restituer le plus
fidèlement possible et dans sa «vérité», selon un mot qui lui
est cher, le Manosque de son enfance, il fait revivre les personnages
de sa famille, de son quartier et de sa ville, avec leur singularité
de caractère, tant physique que moral, d'appartenance
sociale et, surtout, avec la langue qu'ils parlaient alors:le
provençal du sud des Basses-Alpes. Mais remontent aussi à sa
mémoire nombre de pratiques, de façons de vivre, de choses de la
vie ordinaire d'alors, auxquelles est attaché un vocabulaire qu'il
n'a pas oublié. À cet égard, ce récit de l'enfance est un
témoignage précieux sur les idiomes quotidiens...»
Mais
l'usage que fait Pierre Magnan de ce parler ''patois''
n'est
pas seulement réservé aux trois ouvrages cités, il en use
également dans tous ses autres romans*
et
c'est ce qui en fait leur charme et leur originalité. Cet ouvrage
que Claude Martel consacre à Pierre Magnan est une invitation à
lire les livres qui constituent l'œuvre de cet auteur et, pour ceux
qui le connaissent déjà, c'est une incitation à les revisiter à
la lumière des propos de Claude Martel. Tous seront surpris de
découvrir, pour leur plus grand plaisir, la richesse du contenu d'
écrits dont
certains ont été portés à l'écran à l'instar de ceux de Jean
Giono ou de Marcel Pagnol.
Le
travail qu'a réalisé Claude Martel met en évidence ce qu'on relève
dans la préface de Jean-Claude Bouvier: « L'œuvre
tout entière de Pierre Magnan concerne, quant à elle le patrimoine
culturel de la Provence et plus largement de la France. Mais le
langage de ses
romans est un remarquable révélateur de l'insertion de cette
production littéraire dans la culture de la haute Provence comme on
pourra le voir dans les pages qui suivent. Et du même coup une
analyse attentive des éléments qui le constituent nous apporte des
clés très utiles pour une meilleure appréciation de l'œuvre de
Pierre Magnan et de la place de la Provence, de ses habitants, de
leurs mentalités, de leurs façons d'être...dans cette œuvre.»
Pour
renforcerles propos de Claude Bouvier, Claude Martel, n'hésite pas
à
citer un texte de Pierre Martel, « texte que
Pierre Magnan avait validé au moment de la première
édition de La Biasse de mon père, ''Pierre
Magnan et la haute Provence''. On
y devine la connivence secrète qui unissait ces deux Bas-Alpins de
souche, amoureux de leur pays et liés par une amitié qui ne s'est
jamais démentie.» Voici
la teneur de ce texte :
«
Si le premier livre (
''L'aube insolite'') de Pierre Magnan est situé
dans l'Isère, c'est que le résistant de l'époque y vivait une
expérience douloureuse [...]
Mais la plupart de ses ''histoires'' sont situées dans sa haute
Provence natale. Il n'en sort guère, il y vit intensément, ne
pouvant circuler dans un chemin ni dans un bois sans en percevoir les
effluves ni les charger de cette constante émotion qu'il porte en
lui. Il est par essence ''ouvert'' au pays, pas seulement avec ses
yeux et ses oreilles mais de tout son être: il est plus gionien que
les personnages de Giono, dont certains, n'ont jamais existé et
n'existeront jamais. Comme les hommes qu'il a rencontrés, Pierre
Magnan est vrai, foncièrement ''incorporé'' à ce pays dont il est
devenu spontanément le chantre, en surabondance d'être. Ce pays,
non seulement il l'a parcouru, en tous sens, en amoureux, mais il l'a
analysé dans ses composantes, savant malgré lui, distinguant les
choses et les gens, apprenant à les désigner avec exactitude, en
français et en provençal.» Et Pierre Martel, dont on sait la foi
et l'action inlassable pour la culture singulière de la haute
Provence, d'ajouter: « Le jour où tous les romans (policiers ou
non) auront le même potentiel d 'émotion et la même qualité
d'insertion à un pays, on pourra pronostiquer un nouvel essor à ce
genre de littérature. On y retrouverait un supplément de
connaissance de son pays.»
Dans
les glossaires, que ce soit celui du provençal ou des régionalismes
dans lesquels sont répertoriés les termes employés par Pierre
Magnan dans ses livres, Claude Martel prend soin d'indiquer pour
chacun d'eux le titre du ou des livres auxquel(s) il se rapporte,
facilitant ainsi sa lecture et permettant d'en apprécier encore
davantage son contenu; d'où l'intérêt supplémentaire de cet
ouvrage: Adieu pays! La langue régionale d'un
écrivain de haute Provence Pierre Magnan'' qui
met encore plus en lumière - si besoin était - , tout le talent de
ce chantre de la Provence que fut Pierre Magnan.
La liste
des titres des romans qui constituent l'œuvre de Pierre Magnan est
mentionnée à la page 185 de cet opus de Claude Martel.
Victor Bérenguier - Volonne le 1er septembre 2015
BIBLIOGRAPHIE SUCCINTE DE CLAUDE MARTEL
1.
Aux Éditions Alpes de Lumière
Adieu
pays ! La langue régionale d'un écrivain de haute Provence, Pierre
Magnan
Auteur(s)
: Claude Martel - Préface de Jean-Claude Bouvier
Réf.:
ISBN 978-2-919435-05-0, 192 p., bibliogr. 2014
Les Alpes de
lumière n° 171
Le
Canal de Manosque. De son invention à ses nouveaux enjeux
1862-2012
Auteur(s)
: Sous la dir. de Claude Martel. Préfaces de Jean-Claude Bouvier et
Olivier Girard Avec les contributions de Cécile Chapuis, André de
Réparaz et Henri Pignoly
Réf. :
ISBN 978-2-919435-01-2, ; 208 p., 150 ill. en coul., 50 ill. en
n. & b., bibliogr. 2012
Les
Alpes de Lumière n° 165
Relire
Pierre Martel. Une pensée et une action pour la Haute-Provence
(recueil de textes publiés et inédits)
Auteur(s)
: Sous la dir. de Claude Martel et Jean-Claude Bouvier
Réf. :
ISBN 978-2-906162-66-2 ; 256 p., ill. en n. & b., bibliogr.
2003
Les Alpes de lumière n° 143
Aimée
Castain, bergère et artiste
Auteur(s)
: Danielle Musset, Claude Martel, Sylvie Grange
Réf. :
ISBN 978-2-906162-56-3, 108 p. ill. en coul. et en n. et b.,
bibliogr. 2002
Les Alpes de lumière n° 137
Amandiers,
amandes et cassoirs en Haute-Provence
Auteur(s)
: Claude Martel
Réf. :
ISBN 978-2-906162-29-7 ; 96 p., 70 ill. n. & b., bibliogr.
1994
Les Alpes de lumière n° 116
2. Aux éditions Payot/Rivages
Les
mots du jeu de boules en Provence, Rivages,
Auteur :
Claude Martel
Le
parler provençal, Rivages, 1998.
Auteur :
Claude Martel
Anthologie
des expressions en Provence, Rivages, 1982
Auteurs :
Jean-Claude Bouvier, Claude Martel
3. Aux
éditions du CNRS
Atlas
linguistique de la Provence, 3 volumes, 1975, 1979 et 1986
Volume
IV à paraître aux éditions Alpes de Lumière en 2016.
Auteurs:
Claude Martel, Jean-Claude Bouvier
Légende
photo: LA LANGUE
RÉGIONALE d'un
écrivain de haute Provence Pierre
Magnan
Auteur :
Claude MARTEL
Édition :
Association Les Alpes de Lumière
Format :150
x 215 . 191 pages. Prix : 20 €
(
Photos repro V.B )
(Photos repro. V.B)
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