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la chronique littéraire de Victor Bérenguier

CHRONIQUE LITTÉRAIRE N°116: TOUBABS ET BAOBABS


Le décor de ce roman est planté au Sénégal avec en toile de fond le poète et Président Léopold Sédar Senghor. Après ''L'écho de la note bleue'', l'auteure, Christine Baron poursuit dans le genre avec Audrey, le principal personnage de ce nouveau roman . Mais c'est aussi une série de ''portraits'' qu'elle y fait défiler. Elle nous présente les multiples facettes de la nature humaine en même temps que sa vision de cette Afrique de l'Ouest où elle a vécu de nombreuses années. Cependant, rien ne serait arrivé sans la décision d' Alexandre, le compagnon d'Audrey, qui un matin de décembre 1978,- elle a trente ans- , alors qu'après sept ans de vie commune avec lui elle avait cru comprendre qu'il se marieraient.... il lui fit part de son projet de partir un an à New-York juste après le réveillon de Noël. L'avenir programmé déraillait. Le destin de chacun prenait une orientation nouvelle. Le jour où Alexandre prenait l'avion pour New-York, Audrey s'envolait pour Dakar.


Voilà comment nous allons faire la connaissance d'une foule de personnages dont les portraits nous permettront d'avoir un aperçu des différentes mentalités qui cohabitent en Afrique: Antoine l'ami d'enfance d'Audrey, son épouse Irène et Jérôme leur fils âgé de cinq ans d'une vivacité d'esprit remarquable, Diouf, l'associé d'Antoine, Marc, un enseignant, et Nathalie son épouse, Marie-Sophie, Paul, Babacar, Macumba, Fofana et bien d'autres, tel, en Casamance, le Père Jean qui terminait ses lettres toujours avec le même proverbe sénégalais: « On ne trouve son véritable chemin qu'en cherchant, et souvent, en le cherchant seul.»

Dans un tel contexte, Audrey « La toubab, c'est ainsi qu'on appelle les Blancs au pays des baobabs, a tant de choses à vous raconter. Dakar, et son environnement tiraillé entre modernité et tradition, la Casamance où une incroyable mission l'a conduite, Gorée, la part obscure du siècle des Lumières. Des hommes, des femmes,des Blancs, des Noirs trébuchent sur les ''je t'aime, moi non plus''. Tout s'inverse: la logique, le rapport au temps, à l'espace sur fond de ressemblances et de différences, d'agacements et d'humour, d'amour et d'indifférence. L'aventure est au coin de chaque journée.»

Une façon pour l'auteure d'entretenir le suspense, de susciter la curiosité du lecteur et de le maintenir en haleine. Au cours de cette enrichissante aventure, nous sommes séduits par des passages comme celui relatif à Léopold Sédar Senghor, pour mieux appréhender le Sénégal et l'Afrique au temps de sa présidence:

« Juillet, les congés. []

Dès que les nuages noircissaient le ciel, si elle n'était pas à l'agence, Audrey se réfugiait dans la salle de lecture de la bibliothèque de la ville. […] Elle retrouvait les grands hommes de ses études; la bibliothèque alignait sur des étagères soigneusement étiquetées des romans,essais, études philosophiques et recueils poétiques, surtout ceux du Président qui occupaient une place à part, à l'écart des autres livres.

Elle ne connaissait pas la poésie de Senghor. Elle feuilleta ses recueils avec curiosité et surprise. Antoine lui avait déjà récité quelques vers, toujours les mêmes.

- C'est un poète comme qui, lui avait-elle demandé, Ronsard? Lamartine?

    - Un poète comme lui. C'est suffisant.

    - On ne gouverne pas un pays avec la poésie. Il est Président du Sénégal, c'est un homme politique avant tout.

    - Non, c'est un poète avant tout qui a sa propre façon de valoriser son pays et de le diriger. […]

    Sur le Président, Antoine était intarissable. L'homme qui portait à bout de bras son pays et la négritude dans le monde entier le fascinait. Senghor martelait son indéracinable conviction: l'équilibre indispensable entre l'héritage des valeurs spirituelles de la terre et l'enrichissement des autres civilisations. « Dépassons le clivage des races, les racistes se trompent de colère » répétait-il inlassablement. Il labourait avec patience et obstination les idées reçues. Lui qui se nourrissait de toutes les cultures, regrettait que l'Occident ne puise pas suffisamment dans la civilisation africaine des valeurs qu'il semblait oublier. Il le disait partout... dans tous les pays, devant toutes les assemblées. Mais les sénégalais ne le comprenaient pas toujours. Ils lui reprochaient sa francophilie. Nul n'est prophète en son pays. […]

    Pour l'heure elle se demandait comment cet homme qui exportait auprès des autres peuples de si puissantes valeurs humanitaires ressentait la cruauté, la cupidité et la soif de pouvoir de ses sanguinaires voisins. Quelques régimes en Afrique se distinguaient par leurs cruels agissements. Un Empereur aux breloques d'or et de diamants, un Maréchal et Président à vie à la machette agile et un autre à la paranoïa assassine.

    Lui qui ne mentait pas, ne trahissait pas, n'assassinait pas, ne s’enrichissait pas sur le dos de son peuple. Pas de château, pas de compte caché. Les mots en accord avec les actes. […]

    Il remettait entre les mains de ceux qui le lisaient la première clé pour comprendre l'Afrique: la poésie.

    « Une plongée dans la vérité de l'être, une façon de faire éclater l'oppression dont nous sommes victimes. La poésie c'est l'irruption des forces profondes enfouies dans les profondeurs de l'être qui ressortent à la surface du monde. Je la porterai partout avec ma négritude, cette manière d'être un homme et surtout de vivre en homme. Nous les Africains, nous voulons qu'on nous sente et non qu'on nous comprenne. Notre sensibilité part de l'âme plus que de la pensée. Quand nous tenons un objet, nous le pressons contre nous, nous en respirons les ondes et les contours, alors que le Blanc le tient à distance, le regarde, l'analyse. Ma négritude n'est pas le sommeil de ma race mais le soleil de l'âme».

    Le soleil de l'âme...»

    Dans un tel contexte, ce roman nous réserve, une surprise. À l'instar de ''L'écho de la note bleue''*, le capricieux Cupidon vient, sans en avoir demandé la permission, caracoler au milieu des personnages et finit par jeter son dévolu sur Audrey qui, apparemment, au départ, ne lui avait rien demandé. Audrey va-t-elle trouver son véritable chemin?...


    * Voir la chronique N° 110



    Victor Bérenguier - Volonne le 2 janvier 2016.


    Biographie

    Christine Baron

    Voir la chronique archivée sur L'écho de la note bleue.

    Bibliographie aux Éditions: Au Pays Rêvé

    L'écho de la note bleue – 2014

    Diviser pour mieux grouper – 2013

    Le soleil foufroyé – 2012

    Légende photos: TOUBABS ET BAOBABS

    Auteur: Christine Baron

    Éditions: Au Pays Rêvé.

    Format: 200x140. 308 pages Prix: 20,00€

    (Photos repro V.B)

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